Le projet de LGV POCL, une nouvelle saignée pour la Sologne
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Vous le savez nous sommes dans la phase de débat public sur l’opportunité et la faisabilité d’une nouvelle ligne à grande vitesse entre Paris et Lyon passant par notre région et par Clermond-Ferrand : le POCL (Paris-Orléans-Clermont-Lyon). Le débat porte d’ailleurs plus sur des possibles tracés que sur l’opportunité, celle-ci semblant faire une assez large unanimité politique, à l’exception des écologistes, au niveau régional comme départemental. 

Ce que les écologistes pensent des LGV 

Cette position mérite d’être expliquée et cela d’autant plus que les caricatures ne manquent pas en la matière. Ainsi, on peut entendre dire que les écologistes sont contre le progrès, le développement économique et autres avancées considérées comme l’alfa et l’oméga du développement de nos territoires. 

Elle mérite d’autant plus d’être expliquée lors de la campagne des législatives, que ce débat intéresse directement la Sologne, puisque le tracé que défendent les élus locaux traverserait la Sologne, plus grande natura 2000 d’Europe. 

Les écologistes défendent d’abord quelques fondamentaux concernant la mobilité :

1 – les meilleurs déplacements sont ceux que l’ont ne fait pas, du moins sous la contrainte. Ainsi, nous défendons l’idée de réduire les déplacements contraints en relocalisant l’économie, en aménageant de façon cohérente le territoire de façon à restreindre des déplacements inutiles. A l’évidence, dans la mesure où l’écrasante majorité des déplacements font moins de 100 km, le levier pour organiser ce report modal, ce n’est pas le TGV mais un service ferroviaire fiable, attractif, maillant bien le territoire.

2 – les enjeux climatiques invitent à atteindre le facteur 4, c’est à dire la division des gaz à effets de serre d’ici 2050. Cet objectif incontournable suppose que nous révisions profondément notre approche des modes de transport et encouragions un fort report modal de la voiture vers les transports en commun, en particulier le train et les modes doux de déplacements. Nous le savons l’essentiel de la mobilité repose sur les déplacements du quotidien, en particulier domicile-travail et c’est sur ces déplacements que l’effort doit être consenti pour atteindre ce facteur 4. 

3 – si nous sommes favorables au TGV, nous ne le sommes qu’à certaines conditions et en prenant la mesure de l’ensemble des enjeux d’un projet :

   * les enjeux environnementaux : artificialisation de terres agricoles avec une emprise au sol d’au moins 150 m, bouleversement de la biodiversité, aspersion périodique de la ligne avec des tonnes de pesticides, vibrations et nuisances sonores, …Une LGV c’est beaucoup plus de nuisances q’une ligne classique même si du point de vue des gaz à effet de serre c’est aussi bien préférable aux modes de déplacements carbonés. 

   * l’aménagement du territoire : une ligne TGV n’irrigue pas forcément un territoire, elle peut même plutôt le draîner quand en fait elle ne fait que s’arrêter de temps en temps et dans quelques villes pour conserver son statut de grande vitesse. Quand elle est à proximité d’une ligne classique, elle entraîne le plus souvent son déclin (ex : TGV Tours-Vendôme qui a entraîné la détérioriation de la ligne classique Chateaudin-Tours). Enfin, nous le savons une ligne LGV apporte plutôt potentiellement du développement pour les villes terminus que pour les villes intermédiaires. Celles-ci voient au contraire arriver de nouvelles populations, plus aisées et cela entraîne une inflation du foncier, un coût en service public plus important et sans contre-partie de développement. 

   * le coût du projet doit être mis en relation avec le gain de temps. Ainsi on peut mesurer un indice coût/minute gagnée et force est de constater que toutes les lignes ne se valent pas en ce sens, du moins du point de vue de l’intérêt du citoyen car par contre, la logique économique de la SNCF et de RFF peut voir  a contrario une ligne rentable. Il doit aussi être mis en regard de notre capacité d’investissements et à l’indispensable amélioration du réseau existant. Nous devons faire des choix dans un contexte de crise de la capacité financière des collectivités. Ainsi le schéma national des infrastructures de transports prévoit-il à l’horizon 2050 quelques 183 milliards d’investissements dans les LGV. C’est purement et simplement totalement impossible et en tout état de cause cela se ferait au détriment du reste. Et comme l’Etat n’aura pas les moyens, il cherchera à faire payer les régions et confiera l’exploitation à des investisseurs privés dont l’objectif sera la rentabilité de la ligne et non la qualité de la desserte et de la fréquence. Il est urgent de penser un autre mode de financement des infrastructures ferroviaires qui aujourd’hui repose essentiellement sur les droits de péages payés par la SNCF et les autres exploitants (fret) à Réseau Ferré de France. L’endettement est tel que RFF augmente ces droits et que du coup la SNCF privilégie un modèle reposant sur des trains bien remplis et plutôt sur la grande vitesse. 

   * la course à la grande vitesse ne nous semble pas être un progrès d’autant plus quand celle-ci nous fait perdre en qualité de vie. Ainsi la considération de la grande vitesse en matière de train en France est-elle différente de celle appliquée dans d’autres pays et on observe même, pour des raisons de rentabilité,  un abaissement de la vitesse, considérant l’usure accélérée des voies et du matériel roulant, à très grande vitesse (au-delà de 320 km/h). Ainsi, une vitesse raisonnable de 20 à 250 km/h nous semble répondre à la majeure partie de nos enjeux de mobilité.

   * la tarification du TGV n’est pas pensée dans l’intérêt de l’usager; ainsi plus la demande est forte plus le prix est haut. De plus, les modalités de réservation ne sont pas de nature à rendre le train pratique et facilement accessible. Elles correspondent par contre au modèle économique que souhaite voir se développer la SNCF, à savoir un très bon remplissage des trains plutôt que plus de dessertes et des trains plus fréquents. Nous voyons se développer un réseau à deux vitesses, l’un celui des TGV fiables, confortables mais très cher, l’autre le réseau classique de plus en plus dégradé mais aux tarifs encore abordables. 

 Le projet POCL : tous les voyants sont au rouge ! 

Lorsque l’on passe ce projet au crible des critères fondamentaux sur lesquels s’accordent les écologistes, voici ce qui ressort :

– POCL un désastre écologique annoncé : quelque soit le tracé, celui-ci viendra traverser une zone naturelle à protéger ou entraînera des infrastructures préjudiciables pour l’environnement. C’est la traversée du Gâtinais en Ile de france, zone natura 2000, un pont au moins en plus pour traverser la Loire du côté d’Orléans, une véritable saignée en Sologne, plus grande zone natura 2000 d’Europe ou bien encore la traversée de la forêt de Tronçais. Même si certains imaginent que cette LGV pourrait emprunter l’emprise de l’A71 en Sologne, c’est RFF qui nous dit que cela n’est techniquement pas possible. Et évidemment nous ne parlons pas ici des autres incidences sur les terres agricoles, sur la biodiversité. 

– POCL, le démanagement du territoire : l’argument qui finalement sous-tend le projet de cette ligne est celui de la saturation annoncée de l’actuelle ligne Paris-Lyon (LN2). Hors en vérifiant cette saturation ne serait atteinte qu’à l’horizon de 2050 et encore sur une part du tracé entre l’Ile de France et la Bourgogne (Entre Moisenay et Pasilly). Ainsi, pour donner corps à ce projet et s’assurer du financement des régions, devenu indispensable, on imagine des tracés (quatre scnenari) qui apporteraient des gains de temps, eux-mêmes source de développement économique et des réponses aux besoins des populations de nos territoires. En réalité, pour garder son statut de grande vitesse cette ligne risque fort de ne s’arrêter que de temps en temps et en quelques gares. Nous allons donc très certainement payer pour voir les trains passer. Cette ligne draînera le territoire mais ne l’irriguera pas. Nous pouvons même imaginer que le réseau classique en grande difficulté y perde encore beaucoup et notamment la ligne existante Paris-Clermont. L’exemple de Vendôme avec sa gare betterave devrait nous inviter à méditer sur les apports réels du TGV. Ajoutons aussi que le POCL ne saurait répondre aux enjeux de toutes les régions traversées contrairement aux arguments vendus par ses promoteurs. Le Limousin par exemple voit ce projet d’un mauvais oeil et attend beaucoup plus que soit accélérée la modernisation du POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse). La Bourgogne ou la région Centre seront à coup sûr encore plus perdant en fonction du choix final du tracé. L’Ile de France devra accepter une nouvelle entrée vers la capitale, dans un territoire déjà si défiguré par l’ensemble des radiales qui rejoignent Paris et enfin, ce serait également un nouveau casse-tête pour Lyon, en fonction du choix de la gare d’arrivée. 

– POCL, un coût exorbitant pour des gains de temps minimes : le projet est annoncé à 15 milliards d’euros mais il sera très certainement aux alentours de 18 à 20 milliards au moment de sa réalisation. L’Etat même avec les contributions des régions ne peut se permettre un tel investissement pour des gains de temps qui restent somme toute minimes, comparativement à ce qui est possible de faire en améliorant le réseau existant. Le doublement de Paris-Lyon peut-il à lui seul justifier un tel investissement ? Nous répondons non ! D’autant plus que la saturation n’est pas atteinte à ce jour et peut trouver des solutions, du moins en partie, dans des alternatives. Si celle-ci venait à être effective, il sera toujours temps de réaliser en voie nouvelle les tronçons concernés. Et comme l’Etat ne pourra réaliser ce projet, il aura recours au Partenariat Public-Privé et confiera l’exploitation à un société privée dont l’intérêt ne sera une nouvelle fois pas celui de l’usager. Des lignes seront ainsi intéressantes à exploiter d’autres non. 

– POCL, la course incensée à la grande vitesse et le modèle économique qu’elle sous-tend : les écologistes ont travaillé à une alternative qui par l’amélioration du réseau existant (voir ci-après) permet d’atteindre des vitesses moyennes de 220 km/h et des gains de temps non négligeables et seulement inférieur de 30 mn à l’actuelle ligne Paris-Lyon. Nous considérons que cette alternative est totalement recevable pour de nombreux usagers qui préfèreront un trajet de trente minutes supplémentaires mais à un tarif bien plus abordable. D’autres continueront à prendre la ligne habituelle. Et le coût d’investissements sera très nettement inférieur. 

– POCL, des tarifs qui vont nécessairement augmenter : encore une fois le mode de financement du train reposant sur les droits de péages et l’actuel endettement de RFF entrainera une augmentation des tarifications. Ici comme ailleurs, tout le monde ne pourra accéder à ce train. 

Les écologistes proposent une alternative : l’amélioration du réseau existant

Cette alternative repose sur l’amélioration des axes existants, en portant notamment la vitesse moyenne des trains à 220 km/h et en augmentant la capacité du matériel roulant, à savoir :

  • la ligne POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse) qui constitue un axe Nord-Sud répondant aux besoins de la région centre et du Limousin. il convient pour cela de réaliser le barreau TGV au Sud de Paris entre Massy et Charenton pour permettre la connexion au réseau national existant,
  • la ligne actuelle Paris-Clermont qui passe par Chateauroux
  • La ligne Nantes-Lyon qui constitue un axe Est-Ouest traversant notre région. pour cela il faut achever son électrification et améliorer les voies pour permettre les vitesse escomptées. 
  • La ligne POLT et la ligne Nantes-Lyon constitue une sorte de croix connectée à l’ensemble du réseau ferré régional et assurerait ainsi une desserte complète de notre région (il conviendra aussi de réouvrir aux voyageurs Orléans-Chartres et Orléans-Chateuneuf). 

Cette alternative permet des gains de temps jugés suffisants et offre une réelle perspective d’aménagement du territoire. Elle privilégie les déplacements de proximité, qui représentent une écrasante majorité de l’ensemble des déplacements et sont générateurs de gaz à effet de serre. 
Les élus écologistes des régions concernées se sont réunis le 16 mars à Clermont-Ferrand et se sont entendus sur cette alternative, ils entendent bien la faire connaître tout comme la préciser, pour indiquer ce que pourrait être une politique de transports vertueuse. 
Nous ne faisons pas que dénoncer, nous proposons de réelles alternatives !
Sylvaine Ravion et Charles Fournier


Article original rédigé par Sylvaine Ravion et publié sur Sylvaine Lavaud Ravion
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