DEBAT PUBLIC LGV PARIS ORLEANS CLERMONT LYON CAHIER D’ACTEUR
Partager

Dans un débat où les positions sur la grande vitesse semblent unanimement dithyrambiques, où la compétition entre élus locaux est rude pour voir passer les trains au plus près de chez eux, il est difficile de promouvoir une vision différente sans se retrouver confronté au déni ou à la caricature. C’est pourquoi nous avons décidé de produire ce cahier, afin d’expliquer au public  un point de vue qui, loin d’être rétrograde, essaie au contraire de concilier l’intérêt des usagers des chemins de fers, celui des habitants du département et l’indispensable prise en compte de l’environnement.

Cahier rédigé par EUROPE ECOLOGIE-LES VERTS LOIR-ET-CHER

Adresse : c/o Charles Fournier – 3 rue Jean Joly – 41 000 Blois

Téléphone : 06 61 81 39 27 / Courriel : fourniercharles@gmail.com 

 LGV POCL : Un mauvais choix pour le Loir-et -Cher

 55 minutes : c’est le temps, alléchant, du parcours Blois-Paris annoncé sur les plaquettes de promotion de la LGV. Le projet serait de faire arriver quelques TGV en gare de Blois, qui serait alors gare terminus. On ne dit pas combien de TGV : on pense à un ou deux, peu de chance que ce soit beaucoup plus car la LGV POCL a d’abord pour but de doubler la ligne Lyon-Paris. Les détours peu rentables seront rares.

Cette desserte se ferait forcément au détriment de la liaison classique Blois-Paris Austerlitz, réduite à la portion congrue. Le schéma présentant les sillons réservés aux différentes voies à leur arrivée à Paris est sur ce point très éclairant (dossier du maître d’ouvrage p.94). Au détriment aussi de toutes les gares secondaires (Onzain, La Chaussée, Mer…) car l’obsession de la vitesse condamne les arrêts  intermédiaires.

La promesse est donc à terme : moins de trains pour Paris et Orléans, le sacrifice des petites gares, et un billet nettement plus cher. Si on est plutôt riche et pressé, c’est intéressant ; pour tous les autres, et notamment les chômeurs, les familles, les étudiants, les personnes âgées, c’est le retour obligé à la voiture individuelle. L’exemple de la ligne Tours-Vendôme, tronçon TGV le plus cher de France, en est malheureusement un bon exemple.

Concernant le développement économique, là encore, l’exemple des autres TGV en France montre que l’impact économique est très faible sur les pôles secondaires.

À Vendôme, la gare devait créer 5 000 emplois et attirer 20 000 habitants. Ce ne fut pas le cas.  Dans tous les pôles d’activités créés à proximité des gares TGV, on a assisté à un déplacement des entreprises locales plutôt qu’à l’arrivée de nouveaux projets, sans création significative d’emploi. Reste pour Blois et les châteaux de la Loire l’espoir d’un impact sur le tourisme : les orientations actuelles des professionnels et des collectivités cherchent à développer les courts et moyens séjours sur le territoire. Or le TGV, s’il favorise plutôt les escapades d’une clientèle  aisée, exclut de par son coût les familles et les retraités modestes.

Nombre de nos élus locaux soutiennent le tracé Ouest-Sud, mais ailleurs leurs collègues en défendent d’autres. Ces positions clochemerlesques pourraient prêter à sourire si les conséquences des choix qui seront fait n’étaient pas si importantes. Premièrement, ce tracé serait le plus cher : 14 milliards d’euros, contre 12,2 pour le « moins cher ». De plus RFF estime que si le coût d’investissement est majoré de 20 % (et 20 % de plus, dans ce genre de projet c’est fréquent), la valeur actualisée nette du scénario serait… négative.

Deuxièmement, le tracé Ouest-Sud aurait le plus fort impact environnemental. En admettant le calcul fait par RFF sur les économies de CO2 : sur 50 ans, celles-ci seront deux fois moindres pour ce tracé que pour celui ayant le meilleur résultat. RFF estime à 21 ans le temps de retour à l’équilibre carbone, contre 14 pour le moins impactant. RFF précise que ce tracé présente « un risque d’impact plus élevé sur les enjeux liés au milieu naturel, notamment à la traversée de la Sologne » et « plus pénalisant sur le milieu humain, du fait du passage à proximité d’Orléans et du site UNESCO du val de Loire ». Et oui POCL c’est une nouvelle saignée de la Sologne et à coup sûr des conséquences sur la nappe de Beauce ou la réserve naturelle de Saint-Mesmin.

Enfin, RFF propose des indicateurs mesurant les coûts/avantages des différentes options de tracés, qui concluent évidemment qu’ils ont tous un impact positif. Les technocratiques « valeur actualisée nette » (VAN) ou « taux de rentabilité interne » (TRI) sont toujours positifs, compris entre 1,1 et 10,6 pour le premier et entre 3,8% et 5 pour le second. Devinez quel scénario a à chaque fois le plus mauvais score ? Ces analyses tiennent compte d’un report de 75% du trafic entre Paris et Orléans sur le POCL. Sans cela, les résultats seraient nettement moins « positifs » ! Pour le dire autrement, l’impact positif du TGV dépend en grande partie de l’abandon de la ligne Paris-Orléans-Blois !

LGV POCL : Un mauvais choix pour la région Centre

 Le Conseil régional du Centre devrait contribuer à hauteur de 500 M€ sur les 12 à 15 milliards  estimés.  Il  investira dans le ferroviaire quelques 170 M€ en 2012 (450 M€ depuis 1998). Il faudrait qu’il ajoute 500 M€ pour réaliser ce projet à l’horizon d’une dizaine d’années ? Est-il raisonnable de penser que nos ressources financières augmenteront pour réaliser à la fois l’amélioration du réseau régional et un tel projet ? Non évidemment, et cela se fera donc au détriment du réseau régional.

Voulons-nous payer pour regarder les trains passer ? La raison d’être du POCL est le doublement de la LGV Paris-Lyon, ce qui ne constitue pas un objectif structurant pour la région Centre. Un TGV ne pourra s’arrêter qu’occasionnellement dans les gares de notre région. Quelques arrêts à Orléans puis quelque part dans le Cher ne sauraient constituer une réelle opportunité  pour la région, c’est le renforcement de l’axe économique Paris-Lyon qui sera le seul gagnant, aux dépens des axes régionaux, comme l’axe ligérien.

Le raccordement au réseau national et européen des LGV serait la seule garantie pour que la région Centre prospère demain. C’est un mythe ! La LGV rapproche les grands centres de décisions mais n’apporte que très marginalement des opportunités économiques localement et pour les dessertes intermédiaires. Elle amène éventuellement de l’économie résidentielle mais avec son lot d’impacts sur les prix de l’immobilier, sur la demande en services, coûteuse pour les collectivités traversées.

Quel intérêt pour l’usager au-delà même des principes de tarification totalement injustes ?  L’arrivée d’une desserte LGV diminuera automatiquement l’offre TER et Intercités sur la même ligne avec des conséquences prévisibles pour les titulaires d’abonnement TER. Le gain de temps serait plus que modeste. Par exemple, pour Paris-Orléans le meilleur parcours est annoncé à 35 minutes. On peut arriver au même résultat avec l’actuel Aqualys en réalisant la mise en place d’une quatrième voie entre Toury et Cercottes. Tous les TGV ne s’arrêteront pas et à Orléans et à Bourges s’ils veulent atteindre leurs objectifs de temps de trajet et la desserte régionale ne sera donc pas à la hauteur des investissements consentis.

Dans un contexte de dégradation de l’offre, d’importants investissements sont à réaliser sur les « lignes malades » de la région Centre (Paris-Chartres et Paris-Tours) qui représentent 70% du trafic TER. Sans compter l’entretien des autres lignes qui demain seront peut-être les prochaines lignes malades. Les investissements doivent être orientés vers le réseau régional, il est urgent de lancer un plan de fiabilisation et d’optimisation de ce réseau. Alternativement au POCL, nous proposons de développer en priorité les axes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) et Lyon-Bourges-Tours-Nantes, nettement plus structurants pour le maillage régional et même pour les liaisons interrégionales.

Développer les lignes à grande vitesse : un mauvais choix national

Un coût exorbitant, pour une fracture sociale à grande vitesse : L’Etat, qui s’avère incapable d’assurer correctement la maintenance et la rénovation de l’existant, dispose-t-il vraiment de 14 milliards d’euros pour engager un projet aussi pharaonique que celui de la ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon ? Au cours des dernières années, le bouclage financier de projets beaucoup plus avancés et autrement moins coûteux, comme les LGV Tours-Bordeaux et Le Mans-Rennes, a été extrêmement délicat à réaliser. D’ailleurs, croit-on sérieusement que des « partenaires privés » s’engageront dans cette aventure si un financement public très conséquent ne leur permet pas d’anticiper une forte rentabilité ? Une dépense publique aussi considérable serait d’autant plus contestable qu’il y a tout lieu de craindre qu’une telle LGV générerait une véritable fracture sociale en renforçant un réseau ferroviaire à deux vitesses : d’un côté la « grande vitesse » rapide, moderne, chère, reliant un  tout petit nombre de gares ; de l’autre un réseau classique plus abordable mais de plus en plus dégradé.

On nous vend là une LGV « en autarcie », mal reliée au réseau TER et absolument pas connectée au reste du réseau TGV puisque RFF ne juge pas utile de prévoir un raccordement au barreau d’interconnexion au sud de l’Ile-de-France (dossier du maître d’ouvrage, p.99).

Non à la privatisation des lignes ! La privatisation du rail arrive par où les syndicats et les politiques ne l’attendaient pas forcément : les projets de LGV sont confiés à des concessionnaires, les mêmes que ceux qui gèrent les autoroutes, par le biais de « partenariats public-privé » (PPP). L’exemple du financement de la future LGV Tours-Bordeaux montre que le PPP ne constitue en aucun cas une solution acceptable. Le groupe Vinci et ses partenaires apporteront 33 % de la somme, mais ils récupéreront… 100 % des recettes. C’est-à-dire que chaque fois qu’un TGV utilisera cette ligne, le péage ira dans la poche de Vinci. Rien pour l’Etat ou les collectivités qui s’engagent donc à fonds perdus ! Le projet POCL irait donc lui aussi dans le sens de la privatisation du rail, les écologistes défendent au contraire le maintien d’un véritable service public du transport ferroviaire.

D’autres choix sont possibles. Le lobby de la grande vitesse a agi efficacement pour que le Grenelle de l’environnement préconise la réalisation de 2000 km de LGV supplémentaires en France d’ici 2020. N’avoir envisagé le développement du transport ferroviaire que sous le seul angle de la grande vitesse est absolument irresponsable et en totale contradiction avec l’esprit initial du Grenelle.  Pour nous, compte-tenu de la nécessité de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, de faire vivre tous les territoires, en veillant à une répartition équilibrée de la population et de l’activité sur ces derniers, l’enjeu majeur réside dans les déplacements de la vie quotidienne. Les principaux efforts financiers doivent viser un report de la route vers le rail pour les déplacements domicile-travail (ou domicile-études) ainsi que pour le fret, tout en favorisant un meilleur maillage territorial.  Cela passe donc par l’optimisation du réseau existant, mais encore par la réouverture de lignes aux voyageurs, le développement de lignes dans les zones périurbaines, la modernisation de gares… Miser sur la LGV POCL aujourd’hui, c’est risquer de geler ces réalisations attendues et nécessaires.

La LGV POCL est un mauvais choix d’investissement qui creuse les écarts entre les territoires et les usagers, il favorise la privatisation des réseaux ferrés et son coût sera exorbitant. La Région et les collectivités devront la financer au détriment du réseau et de l’offre des TER et des trains interrégionaux, dont le développement est prioritaire si l’on souhaite promouvoir les transports de proximité et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Enfin, le tracé Ouest-Sud  serait le plus cher, le moins rentable et avec l’impact environnemental le plus important.