Loos-en-Gohelle : la ville écolo qui a bonne mine
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Article repris du site novo-ideo.fr.

J’ai eu la chance de visiter, jeudi 22 novembre, la ville de Loos-en-Gohelle avec un groupe de directeurs du ministère du développement durable. Située en Nord Pas-de-Calais, dans un bassin minier encore sous le choc de la fin de l’exploitation du charbon, cette commune de 7080 habitants a décidé au cours des 15 dernières années de prendre son destin en main et de devenir ville pilote du développement durable. Histoire d’une renaissance, histoire d’un incroyable défi…

DES RESULTATS IMPRESSIONANTS

De la création d’une ceinture verte autour de la ville à une pépinière d’éco-entreprises, d’un programme ambitieux de construction de logements en habitat social à la (re)plantation de haies avec les enfants des écoles, d’un centre de ressources sur le développement durable (Cerdd)à un grand centre de test sur l’énergie photovoltaïque, d’un centre culturel joliment nommé« Culture commune »(scène nationale) à une association consacrée à la mémoire de la mine, Loos-en-Gohelle semble s’attaquer avec gourmandise à tous les sujets de front. Mais le plus impressionnant a été pour moi la qualité de la relation que la commune entretien avec ses habitants grâce à ce qu’ils nomment une « gouvernance agglomérante »

Ils ont par exemple inventé un principe qu’ils appellent fifty-fifty : un groupe d’habitants, une association, une école saisit la commune pour une action d’amélioration du cadre de vie. La commune soutient financièrement et techniquement le projet, mais la réalisation ou la gestion est effectuée par (ou avec) les demandeurs. Par exemple, une association de quartier souhaite améliorer le fleurissement de sa rue. Elle saisit la commune qui fournit les jardinières et les fleurs, l’association se chargeant de l’arrosage et de l’entretien.

Mais les ambition de cette ville étonnante ne s’arrêtent pas là et la ville vise même à atteindre un jour l’autonomie énergétique.

CLES DU SUCCES

Si ce projet est un succès, c’est bien grâce à la détermination et à l’habileté d’un homme, Jean-François Caron, maire et homme de conviction et de dialogue, mais c’est aussi grâce à une méthode qui doit être reproductible ailleurs, pour peu que l’on prenne la peine d’en transposer les principes sous-jacents. Parmi ces principes, je vous en propose cinq qui m’ont frappé et qui me semblent transposables dans d’autres contextes.

1 – S’appuyer sur les contraintes pour devenir créateur du futur

Accepter la mine pour dépasser la mine où comment faire d’un passé douloureux une source de renouveau. Ce qui m’a paru juste, est cette façon de regarder la réalité en face et de combattre le déni qui pousse à vouloir faire table rase du passé. Depuis la fin de l’exploitation minière, des citoyens se sont battu pour la reconnaissance de ce patrimoine. Démolir les installations minières aurait privé ce territoire d’une partie de son histoire et de sa fierté et c’est justement ce que les autorités envisageaient. Aujourd’hui, le bassin minier est inscrit au patrimoine mondial par l’Unesco, ce qui est en soi un formidable succès, et Loos-en-Gohelle n’y est pas pour rien !

2 – Considérer la ville (le projet) comme un écosystème

Au-delà de toutes les réalisations qui sont déjà intéressantes séparément, c’est la qualité de l’approche globale qui est pratiquée qui permet d’aboutir à une qualité de vie améliorée. On pourrait appeler cela une approche systémique, la commune affirme « considérer la ville comme un écosystème ». C’est ce modèle qui guide de nombreux choix et qui permet de créer des liens durables entre les gens dans un environnement urbain qui s’enrichit en permanence d’initiatives vivantes. On touche ici du doigt la notion d’intelligence collective. Une des clés de la réussite selon Jean-François Carron est de parvenir à un bon agencement des acteurs sur le territoire, en direction d’un but commun, c’est-à-dire avec cette capacité de se donner un cap.

3 – Un cap : une vision forte, partagée et ouverte.

A partir d’actions éparses, la vision s’est peu à peu clarifiée d’une ville qui pourrait devenir « ville pilote du développement durable » et contribuer à inventer un nouveau modèle de développement. Cette ambition est aussi devenue un moteur intense et une motivation pour progresser. Aujourd’hui, Loos-en-Gohelle attire des visiteurs du monde entier (et même des groupes de directeurs du ministère du développement durable, comme celui que j’accompagnais). A travers des circuits d’interprétation, elle donne à voir comment elle s’approprie et concrétise le développement durable. J’ai aimé cette idée qui considère le développement durable comme une partition, que chacun doit interpréter, en fonction de ses richesses, de ses contraintes, de son histoire, en un mot, de son contexte. L’ouverture nourrit l’ambition qui renforce l’ouverture.

4 – Répondre à un besoin latent

Jean-François Caron nous a expliqué qu’il ne parle (presque) jamais de développement durable aux habitants. Il leur parle économie d’énergie, qualité de vie, école, santé, boulot… en bref, il parle de leurs préoccupations et les replace dans un contexte plus large. Il tente surtout de répondre à un besoin profond de la société qui aspire à une politique appliquée de développement durable, même si cela ne s’exprime jamais avec ces mots là.

5 – Intégrer la dimension du temps et se donner le droit à l’erreur

Jean-François Caron nous a présenté des réalisations, mais il a surtout insisté sur les notions de trajectoire et de dynamique vertueuse qu’il essaie d’initier, de maintenir, d’encourager ou même parfois simplement de « laisser vivre », ce qui n’est pas forcément le réflexe de tous les élus. Par ailleurs, il revendique des cafouillages, des erreurs, des échecs et propose d’en parler de façon transparente afin d’éviter à d’autres les mêmes erreurs. C’est là que la dimension de laboratoire du développement durable prend tout son sens.

Retrouvez toutes les contributions d’Olivier sur son blog : http://experiencedurable.fr/